Ayten Mirzoyeva a réussi, en octobre 2024, à faire organiser la Conférence 2024 d'une organisation de producteurs de cinéma dont elle a récemment intégré le Conseil de gouvernance : "Producers Without Borders", au Centre culturel d'Azerbaïdjan en France. L'événement, sponsorisé par plusieurs grandes entreprises, a donc constitué une occasion supplémentaire pour les représentants d'Ilham Aliyev pour blanchir le régime par la culture, et diffuser sa propagande par cet intermédiaire. Mais qui est Ayten Mirzoyeva?
En octobre 2024, la réunion 2024 des « Producers Without Borders » a été organisée au Centre culturel d’Azerbaïdjan. Celle-ci était intitulée « Producers as Diplomats » [Les Producteurs comme Diplomates]. Sur les images de l’événement, il était possible de retrouver Hedva Ser, soutien acharnée de l’Azerbaïdjan à l’UNESCO, dont elle est un personnage influent, et Elman Abdullayev, délégué permanent de l’Azerbaïdjan à l’UNESCO. Ce panel 2024, au départ dédié au réseautage dans le milieu du cinéma et du divertissement, avait donc bien évidemment un pendant politique, dans le cadre de la politique d’influence culturelle de l’Azerbaïdjan.


« Producers Without Borders » est un réseau de producteurs de cinéma créé en 2015 par le producteur de cinéma iranien Kayvan Mashayekh. L’un des objectifs de ce réseau est de mettre en contact des professionnels du cinéma avec ses membres, « des leaders de l'industrie - les décideurs qui créent, financent et produisent au plus haut niveau », avec des offres d’abonnement annuelles allant de 5000 à 25 000 dollars par an.

Cette année, c’est Ayten Mirzoyeva, associée de la société Vasco Architectes by Thomas Schinko et membre du conseil de « Producers Without Borders », qui a participé activement à l’organisation de cette réunion, qui était sponsorisée par la compagnie aérienne United Airlines, The Hollywood Reporter, JJDC Consultancy ainsi que, bien entendu, par l’ambassade d’Azerbaïdjan en France et Vasconi Architectes. Proche de l’ambassade d’’Azerbaïdjan en France et elle-même azerbaïdjanaise, Ayten Mirozyeva a donc saisi l’occasion de faire de cet événement un outil supplémentaire de soft-power de la dictature d’Azerbaïdjan.


Ayten Mirozyeva, qui possède la double-nationalité américaine et azerbaïdjanaise, est née le 30 décembre 1978 à Bakou, en Azerbaïdjan. Elle a grandi en Azerbaïdjan, avant de partir aux Etats-Unis pour étudier à la Texas A&M University. D’après son profil LinkedIn, elle serait ensuite rentrée en Azerbaïdjan afin de travailler comme cheffe de l'équipe exécutive du ministère du Tourisme, entre 2002 et 2004, puis serait repartie aux Etats-Unis, à New-York, où elle aurait travaillé dans l’hôtellerie avec des postes de responsable, pour « Dylan Hotel », « Eurostars Wall Street », « Melia Hotels International » et pour « The Pierre New York a TAJ Hotel ».

D’après une interview donnée en 2017, Ayten Mirzoyeva aurait déménagé à Paris, en France, en 2015 pour davantage s’investir dans la filiale française de Vasconi Architectes, la société de son époux, Thomas Schinko. Ce cabinet d’architecture, créé en 1973, possède, d’après son site Internet, des bureaux à Paris, Hong-Kong, au Luxembourg et en Azerbaïdjan. A la fin de l’année 2022, il faisait visiblement face à des difficultés financières, puisque le 7 novembre 2022, le Tribunal judiciaire de Paris ouvrait à son encontre une procédure de traitement de sortie de crise. Celle-ci fut clôturée en mars 2023.


Par ailleurs, du côté de sa famille, le même entretien indique qu’Ayten Mirzoyeva serait la petite-fille de Bashir Guliyev, docteur azerbaïdjanais, qu’elle avait qualifié comme « l’un des exemples les plus marquants de l’aristocratie azerbaïdjanaise ». Cela pourrait signifier qu’elle provient d’une famille privilégiée. Elle est également la petite-fille, du côté maternel de Rahila Mustafa Bey Mirzoyeva, dont le nom pourrait aussi indiquer une ascendance aristocrate. Du côté de ses parents, elle est la fille d’Abbasali Mirzoyev, et de Dilshad Mirzoyeva.

Ayten Mirzoyeva est la petite-sœur d’Adnan Mirzoyev, né le 30 mai 1974 et haut cadre de la banque Natixis. Celui-ci a également étudié à la Texas A&M University, aux Etats-Unis. Il a ensuite travaillé dans le secteur de l’exploitation des énergies fossiles en Azerbaïdjan, depuis les Etats-Unis avec la société Prudential International Houston entre 1996 et 1998, puis dans les bureaux américains, turcs puis néerlandais de Ragobank International, pour l’investissement dans les secteurs de l’agroalimentaire. Il quitte Ragobank en 2007 et rejoint la banque d’affaires Natixis, dans laquelle il devient directeur général et patron du bureau kazakh du groupe, qui couvre la zone du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan, de l’Ouzbékistan, de la Géorgie, de l’Arménie, et du Kirghizstan. D’après son CV, il est un cadre financier qui a géré « des transactions structurées de plus de 10 milliards de livres sterling dans des secteurs spécialisés, notamment l'énergie fossile et les énergies renouvelables, les métaux et les mines (y compris le nucléaire) et l'agriculture ». Entre 2022 et 2023, il était Directeur général pour le bureau émirati de Natixis, et couvrait encore la zone du Caucase du Sud et de l’Asie centrale. Il est par ailleurs encore aujourd’hui indiqué comme membre indépendant du Conseil de Supervision de la Banque Nationale pour l’Activité Economique Etrangère de la République d’Ouzbékistan (NBU).




Ayten Mirzoyeva est aussi liée à Magsud (aussi écrit "Maqsud") Mirzayev, son oncle ou cousin, né le 18 juin 1970, avec laquelle elle a cofondé une société en France en mai 2018, Brandlens Co., dédiée à la production et à la vente de spiritueux. Les deux associés avaient été assistés par Edmond Verdier et son cabinet Lexlor, avocat proche de l’ambassade d’Azerbaïdjan en France (d’ailleurs impliqué dans un bon nombre de sociétés immobilières). Plusieurs marques ont été déposées par l’entreprise, notamment « DeBeers Diamond Club », « DeBeers Club », « DeBeers Vodka » et « DeBeers Diamond Vodka ». DeBeers étant une société spécialisée dans la production de bijoux en diamant, il conviendrait de s’interroger peut-être dans une autre publication sur les liens entre Ayten Mirzoyeva et cette entreprise.


Maqsud Mirzoyev n’est, de son côté, pas n’importe qui en Azerbaïdjan. Il s’agit en effet de l’homme d’affaires azerbaïdjanais ayant amené McDonald’s en Azerbaïdjan en 1999. Il avait à ce titre rencontré plusieurs fois le dictateur Ilham Aliyev, ainsi que son père, Heydar Aliyev. En 2008, il était aussi Président de la Chambre de Commerce américaine d’Azerbaïdjan. En 2016, il était encore directeur général de la filiale azerbaïdjanaise de la marque de fast-food.



Ayten Mirzoyeva a donc un carnet d’adresses bien rempli, en raison de son origine sociale, de son expérience professionnelle aux Etats-Unis et de celle des membres de sa famille. Elle n’hésite pas, en ligne, à mettre en valeur ses réseaux en publiant de nombreuses photographies d’elle en compagnie de personnalités connues, en France et ailleurs, lors de réceptions et de vernissages. Elle serait également une amie d’Ivanka Trump, fille de Donald Trump, ce qui lui aurais permis de se rendre à l’inauguration du président américain en 2017, ainsi qu’en 2025.


Ses accointances avec les cadres ou anciens cadres du pouvoir américain semblent même aller jusqu’aux anciens présidents des Etats-Unis. Ainsi, en 2017, le fils d’Aytan Mirzoyeva, Kenan Abbaszadeh recevait une recommandation de George Bush.

Elle est également proche des représentations diplomatiques azerbaïdjanaises, et participe à divers événements en compagnie de diplomates et ambassadeurs. A titre d’exemple, elle était invitée à une réception organisée le 26 janvier 2023 à l’ambassade d’Azerbaïdjan en Inde, pour le 74e jour de la République de l'Inde. En avril 2024, elle participait à l’ouverture du pavillon azerbaïdjanais à la Biennale de Venise, organisée par la Fondation Heydar Aliyev, l’ambassade d’Azerbaïdjan en Italie et le Ministère de la Culture d’Azerbaïdjan.


Ayten Mirzoyeva s’affiche également fièrement en compagnie de hauts cadres de la dictature d’Aliyev. C’était notamment le cas en octobre 2024 avec Hikmat Hajiyev, chef du département des relations extérieures de l'administration présidentielle de la République d'Azerbaïdjan. En 2016, elle se prenait également en photo avec Leyla Aliyeva, fille du dictateur Ilham Aliyev.


Dès son déménagement en France en 2015, Ayten Mirozyeva s’est rapprochée des têtes du lobby de l’Azerbaïdjan en France, notamment Mirvari Fataliyeva, coordinatrice du lobby via la Maison de l’Azerbaïdjan et l’Association des Amis de l’Azerbaïdjan, et Hedva Ser, Ambassadrice de Bonne Volonté de l'UNESCO pour la diplomatie culturelle, qu’elle connaît visiblement depuis de nombreuses années, et dont elle est très proche compte-tenu de ses innombrables apparitions dans les publications d’Ayten Mirzoyeva.







Nous avons déjà dédié une publication à Hedva Ser, lobbyiste très proche de l’Azerbaïdjan et de ses autorités, et membre du conseil d’administration de l’Association des Amis de l’Azerbaïdjan. Vous pouvez la retrouver ici.
Aux côtés d’Hedva Ser, influente au sein de l’UNESCO, dont les cadres ne connaissance pas ou ignorent les liens avec une dictature, Ayten Mirzoyeva a rencontré de nombreux diplomates de l’UNESCO. La directrice de la mission des Etats-Unis à l’UNESCO, Erika Barks-Ruggles en 2024 par exemple.
Hedva Ser et Ayten Mirzoyeva ont aussi participé à l’élaboration d’événements sous l’égide de l’UNESCO. C’était le cas, en septembre 2021, du forum « Rise from Ashes », sponsorisé par l’entreprise d’Ayten Mirzoyeva, Vasconi Architectes. D’après le média satellite du lobby azerbaïdjanais en France, La Gazette.az, cet événement a permis aux invités de discuter « de la reconstruction des villes touchées par les catastrophes naturelles et les guerres », allusion à peine dissimulée à ce pan entier de la rhétorique du régime azerbaïdjanais faisant référence à la pseudo-destruction du Haut-Karabagh lorsqu’il était sous contrôle arménien. Durant le forum, des musiciens azerbaïdjanais se sont aussi produits. L’UNESCO et Vasconi Architectes venaient ainsi de collaborer à l’organisation d’un événement servant indirectement la propagande azerbaïdjanaise et le soft-power de la dictature.



Il s’agissait déjà d’un enjeu pour lequel Ayten Mirzoyeva s’était engagée, au moins sur les réseaux sociaux, puisqu’alors que les forces azerbaïdjanaises décapitaient des civils et des militaires arméniens, et forçaient le déplacement des Arméniens indigènes d’Artsakh pendant la Guerre des 44 Jours, elle appelait sur Facebook et via un courrier estampillé Vasconi Architectes à « protéger nos villes historiques de l’agression arménienne ». Il s’agissait-là d’un retournement total et cynique de ce qui en réalité se déroulait alors, procédé assez classique utilisé par les autorités azerbaïdjanaises pour accuser de destructions et d’atrocités le peuple qu’elles chassaient de leurs terres et martyrisaient.

En réalité, Ayten Mirzoyeva est impliquée dans les activités de l’UNESCO depuis 2016, selon son profil LinkedIn, qui indique qu’elle est, depuis cette date, bénévole pour « the Center Creativity for Peace Mission » (qui ne renvoie à rien), et « membre active ».

Elle est en tout cas active aux côtés de Hedva Ser, comme on l’a vu, pour promouvoir les intérêts de l’Azerbaïdjan et blanchir son régime de ses crimes récents par la culture, mais aussi par ses capacités de réseautage. En octobre 2021, elle remerciait effectivement le Turc Altay Cengizer, alors Président de la Conférence générale de l’UNESCO, pour sa « reconnaissance de l’implication de Vasconi avec le Plan de reconstruction de Gandja en Azerbaïdjan durant le discours introductif au quartier général de l’UNESCO à Paris ».

En 2020, « Sur instruction du Président de la République d'Azerbaïdjan, M. Ilham Aliyev », le Comité d'Etat pour l'Urbanisme et l'Architecture d’Azerbaïdjan a en effet continué d’élaborer les plans du « Ganja Master Plan », vaste projet d’urbanisme mis en œuvre par Vasconi Architectes « après un appel d’offres de l'Institut Général de Design d'Etat ». En octobre 2024, le projet semblait encore en cours de développement. L’UNESCO devenait un outil de communication pour les intérêts économiques d’Ayten Mirzoyeva.

Régulièrement présente aux événements organisés par l’ambassade d’Azerbaïdjan en France, Ayten Mirzoyeva fait un travail d’influence à l’UNESCO, où elle a ses entrées, mais est parvenue à porter la propagande d’Aliyev jusque dans le monde du cinéma. Comme on l’a vu, elle a fait organiser la réunion 2024 de « Producers Without Borders » à l’ambassade d’Azerbaïdjan en France. Bien qu’elle connaisse Kayvan Mashayekh depuis au moins plusieurs années, comme en témoigne une interaction de 2022 sur Facebook, elle n’est devenue Membre du Conseil de « Producers Without Borders » qu’en mai 2024.



Le premier réflexe d’Ayten Mirzoyeva ayant été de faire sponsoriser et organiser l’événement par l’ambassade d’Azerbaïdjan en France montre qu’il s’agissait d’un acte mûri en amont, et part de la stratégie d’influence azerbaïdjanaise. Le titre de l’événement « Les Producteurs comme Diplomates », n’est pas non plus anodin : il prouve bien la volonté de lier le cinéma au narratif actuellement mis en avant par l’Azerbaïdjan, selon lequel la dictature serait un « acteur de la paix ».
Cela contredit pourtant cruellement les différents rapports de Human Rights Watch faisant état de crimes de guerre perpétrés par l’Azerbaïdjan depuis la Guerre des 44 Jours en 2020 sur militaires et civils arméniens, sa perpétration d’un nettoyage ethnique en Artsakh après un blocus de neuf mois, les accusations de tortures et de mauvais traitements sur les prisonniers arméniens, ainsi que son blocage de la signature d’un traité de paix avec l’Arménie sous des prétextes fallacieux.

Ayten Mirzoyeva et « Producers Without Borders » ont donc contribué à faire du cinéma une arme d’influence en France au service d’une dictature. Il s’agit donc ici de rappeler la vérité à ceux qui, dans l’ignorance peut-être, ont participé à cet événement – quoiqu’il faudrait tout de même s’interroger sur leurs capacités de raisonnement, si assister à ce panel dans une ambassade ne les a pas intrigués dès le départ. Quant à Ayten Mirzoyeva et aux autres complices de la dictature d’Ilham Aliyev, nous continuerons d’être vigilants à leurs action futures.