Le 22 janvier 2024, Anastasia Lavrina, porte-voix du régime d’Ilham Aliyev, dont l’affiliation politique n’est pas un mystère - on l’a vu avec les dernières « élections » présidentielles en Azerbaïdjan - annonce une interview avec Emmanuel Dupuy.


Anastasia Lavrina est une interlocutrice régulière des lobbyistes de l’Azerbaïdjan en France. On la retrouve ainsi par exemple à célébrer Ilham Aliyev sur « Musulmans en France », site géré par le lobbyiste pro-Azerbaïdjan, Jean-Michel Brun.

Emmanuel Dupuy, né le 29 juillet 1971 à Forbach, est un professeur de géopolitique et un « chercheur ». Il intervient régulièrement dans le média Atlantico, mais est aussi parfois invité à s’exprimer sur des médias comme BFMTV par exemple.



Emmanuel Dupuy est aussi président de l’Institut de Prospective & Stratégie en Europe (IPSE), think-tank, « spécialisé sur les questions [...] géopolitiques, géoéconomiques et géoculturelles euro-atlantiques, eurafricaines et eurasiennes ».


En octobre 2016, Emmanuel Dupuy est vu avec cofondateur de « L’Opinion », Claude Leblanc, et Guillem Monsonis, alors rédacteur en chef de TTU, en visite en Azerbaïdjan pour « rendre compte du conflit arméno-azerbaïdjanais, du Haut-Karabakh ».

2017 est, comme pour d’autres, le moment déclencheur dans le lobbyisme de Emmanuel Dupuy. Il se rend de nouveau en Azerbaïdjan, et multiplie les interventions et prises de position en faveur de l’Azerbaïdjan, notamment par le biais de tribunes.



Un article est coécrit en novembre 2017 par Emmanuel Dupuy sur « Opinion Internationale », puis partagé par Azertac et l’ambassade d’Azerbaïdjan en France. Paul Azibert, coauteur, est présenté comme chercheur associé IPSE. L’article fait l’éloge du régime d’Ilham Aliyev.


Sauf que Paul Azibert est en fait, à la même époque, « consultant en affaires publiques et communication ». En 2020, lui est Dupuy se retrouvent à une réunion organisée par le club d’influence 02A, au milieu d’autres professionnels du domaine.


Emmanuel Dupuy connaît ce monde-là : il est lui-même « consultant en matière de défense et sécurité », et a travaillé pour la campagne de l’Azerbaïdjan à l’UNESCO en 2017. Selon La Lettre, en 2020, il « gravite toujours autour de l’ambassade ».


Déjà en 2016, « Africa Intelligence » affirmait que Emmanuel Dupuy avait été embauché comme consultant par Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste tunisien Ennahda, proche des Frères Musulmans.

Les années suivantes, Emmanuel Dupuy poursuit, interviewé par les médias azerbaïdjanais, auxquels il offre les arguments de la propagande du régime d’Aliyev, sous couvert de son titre « expert français », et de son poste à l’IPSE.




En février 2020, Dupuy gravite tant à l’ambassade qu’il utilise l’IPSE pour organiser la présentation du livre de Rahman Mustafayev, alors ambassadeur d’Azerbaïdjan, avec l’Association Dialogue France-Azerbaïdjan et Laurent Poultier du Mesnil, son vice-président.


Emmanuel Dupuy côtoie les têtes du lobbyisme Azerbaïdjan en France : Poultier du Mesnil, Aytan Mouradova, Gunel Safarova, etc. L’IPSE devient/continue d’être le moyen de diffuser la propagande azerbaïdjanaise, par l’organisation de réunions et « tables-rondes ».



En 2021, l’IPSE organise encore des événements pour diffuser la propagande azerbaïdjanaise. En juillet, Emmanuel Dupuy est invité dans les « territoires libérés » en Artsakh. Il ne manque pas de suivre les thèmes de la rhétorique officielle de l'Azerbaïdjan dans ses interventions.




C’est là qu’Anastasia Lavrina rencontre Emmanuel Dupuy et réalise avec lui une interview pour CBC TV. Il retrouve aussi Anar Karimov, ancien chef de la délégation permanente de de l’Azerbaïdjan auprès de l'UNESCO, et maintenant Ministre de la Culture azerbaïdjanais.


Les années suivantes, Emmanuel Dupuy continue, lorsqu’il en a l’occasion, de prendre la parole pour défendre les actions menées par l’Azerbaïdjan et appeler à un renforcement des liens avec la France.




Il continue par ailleurs en 2022 et 2023 d’être mentionné aux côtés d’un autre porte-voix de la propagande de l’Azerbaïdjan en France, Jean-Dominique Merchet, dans les publications de Zaur Sadigbayli.


En dehors de l’Azerbaïdjan, Emmanuel Dupuy semble être proche du Kazakhstan, comme l’est Joaquinito Alogo de Obono, dont nous avons parlé dans un autre article. Il semble notamment proche de Jean Galiev, ambassadeur du Kazakhstan en France.



Emmanuel Dupuy prêche aussi en faveur de la politique étrangère du Maroc, en particulier dans le contexte du conflit au Sahara Occidental. A rappeler que le pays est au centre d’un scandale sur des opérations d’influence en France et en Europe.




Il est aussi utile de rappeler qu’entre 2017 et 2019, l’IPSE participait aux colloques du Club Géopolitique, think-tank créé à cette période pour diffuser en France l’influence du Qatar, et dont le président a été au centre d’un scandale.



Également intéressant à noter : le 3 août 2020, Emmanuel Dupuy signait une tribune dans le journal « Valeurs Actuelles » discréditant le travail du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) au Burkina Faso.

Or, il a été prouvé plus tard que cette tribune faisait partie d’une vaste opération de dénigrement visant le CICR, et orchestrée par une société israélienne d’influence : Percepto.

Emmanuel Dupuy a quant à lui reconnu, « avoir reçu les éléments nécessaires à la rédaction de sa tribune de M. Samuel Sellem », franco-israélien spécialisé dans les campagnes d’influence.


Récemment, plus choqué par la campagne anti-française de l’Azerbaïdjan que par le nettoyage ethnique en Artsakh, Emmanuel Dupuy a critiqué cette stratégie, ce qui a déplu à Jean-Michel Brun, lobbyiste de l’Azerbaïdjan et rédacteur en chef de Musulmans en France


Cela ne saurait cependant faire oublier qu’Emmanuel Dupuy est encore un soutien des autorités azerbaïdjanaises, qui le citent d’ailleurs comme tel, et le mobilisent dans leurs médias comme vient de le faire Anastasia Lavrina en janvier 2024.

En somme, Emmanuel Dupuy incarne la prostitution d’une certaine frange de la recherche aux intérêts des Etats acceptant de rétribuer des prestations d’interventions publiques et d’organisations d’événements. L’IPSE, coquille vide (dont le site est par ailleurs inaccessible depuis plus d’un an), ne sert qu’à crédibiliser ces prises de paroles derrière une appellation pompeuse. Cette stratégie a déjà été abordée sur notre page. Et cela fonctionne : Emmanuel Dupuy est encore invité sur les plateaux, et dans les rédactions.
La dictature d’Aliyev continue de bénéficier des actes de ce type de personnage, pour le blanchiment de ses crimes et la préparation de ses guerres.